Un homme de 83 ans a une attaque aigue de goutte. Se traite lui-même par colchicine en gouttes ( 2 mg en 2 jours ). Prend aussi diclofenac.
Il ressent une faiblesse musculaire dans ses membres. Quatre jours après, il est tétraparésique ( paralysie flaccide ). Est hospitalisé.
Pas de signes d'infection, d'insuffisance hépatique ou rénale. Pas de signes d'ictus.
Biologie Sp, sauf une passagère augmentation de la CPK ( 1288 UI/L ).
Les études de conduction nerveuse sont Sp. Par la suite, l'électromyographie montre des signes de lésions du neurone moteur inférieur.
La biopsie musculaire ne décèle qu'une vacuole isolée qu'on ne peut attribuer à une myoneuropathie induite par la colchicine.
L'analyse du LCR est pratiquement Sp, n'indiquant qu'une légère anomalie de la barrière hémato-cérébrospinale ( protéine à 548 mg/L ). On pense à un syndrome de Guillain-Barré atypique.
Par ailleurs, il prend du verapamil à libération lente ( 120mg/J ) pour une tachyarythmie. A un syndrome du "sinus malade" pour lequel il a un pace-maker. Prend aussi furosémide, aspirine, ambroxol et théophylline.
Finalement, on porte le diagnostic de neuromyopathie par colchicine, à cause de ses concentrations excessives dans le sérum et le LCR.
Les jours suivants, la concentration diminue légèrement dans le sérum mais reste constante dans le LCR.
La demi-vie sérique calculée était multipliée par 8, par rapport à une population de référence appariée selon l'âge et la dose: 272 heures versus 34 heures.
Le ratio "concentration dans le LCR de la colchicine/concentration sérique" était d'environ 50% au lieu de la normale de 10%.
Le 40ème jour, amélioration, la colchicine n'est plus détectable dans le sérum.
Dans ce cas, on n'a pas retrouvé les caractéristiques de la neuromyopathie par colchicine: de fortes doses cumulées, un traitement prolongé, une insuffisance rénale. Le verapamil ( comme le norverapamide ) est un puissant inhibiteur de CYP3A, P-glycoprotéine régulant la barrière hémato-céphalorachidienne. Des études chez l'animal l'ont confirmé.
Dans le foie, la colchicine est un substrat de CYP3A4. Ainsi pourrait s'expliquer l'augmentation de la colchicine dans le LCR.
Selon toute probabilité, cette tétraparésie a été provoquée par une interaction pharmaco-cinétique au niveau du cerveau de la colchicine et du Verapamil.
Traduit de l'anglais par le Dr André Figueredo - Source: the BMJ du 17/09/05