L'importance croissante des campagnes anti-tabac et la hausse constante des taxes sur les cigarettes ont favorisé les ventes des produits d'aide au sevrage du tabagisme. Après les chewing-gums à la nicotine, l'apparition des "patch" à la nicotine en 1992 en France a été un grand succès commercial.
En France, quatre laboratoires produisent ces patchs : Pharmacia (Nicorette°), Pierre Fabre (Nicopatch°), Novartis (Nicotinell°), et Glaxo-Smith-Kline (Niquitin°).
Depuis 2000, tous ces médicaments sont en vente libre, ce qui a entraîné une forte hausse des ventes, mais n'a certainement pas amélioré les résultats pour les fumeurs (car ces produits devaient à l'origine être utilisés dans le cadre de consultations médicales régulières avec un suivi d’au moins trois mois, et un usage ne dépassant pas six mois). De plus, ces produits ne sont pas sans danger : ils comportent des effets indésirables et des précautions d'emploi, longuement détaillés dans le "Vidal".
De 2000 à 2002, le chiffre d'affaire de ces substituts est passé en France de cinquante à quatre-vingt millions d'Euros. Depuis l'apparition du bupropion Zyban° (Glaxo-Smith-Kline), un antidépresseur sensé être la solution " miracle " pour le sevrage du tabac, les ventes de patchs ont nettement diminué, avant que les effets indésirables du Zyban° ne fassent baisser également ses ventes. Depuis, les ventes de patchs ont repris leur progression.
Aux Etats-Unis, c'est dès 1996 que la F.D.A. a autorisé la vente des patchs sans ordonnance. On les trouve dans les supermarchés, et dès lors leurs budgets de publicité ont pris une grande ampleur. L'importance prise par ce marché a inquiété les fabricants de tabac, qui n'ont pas tardé à réagir. La firme Philip-Moriss a même fait pression sur l'un de ses fournisseur en produits chimiques (Dow- Chemical qui avait eu la mauvaise idée de fabriquer aussi des patchs à la nicotine) en annulant une importante commande.
Mais, rapidement, l'industrie du tabac a eu l'idée de prendre une partie du marché de ces substituts de la nicotine, en créant des filiales fabriquant des gommes ou des comprimés à base de tabac ou de nicotine, allant même jusqu'à les préconiser dans les maladies de Parkinson ou d'Alzheimer. La mise en vente libre de ces produits a induit un usage anarchique, avec un sevrage finalement inefficace. Ce qui était conçu pour un usage temporaire et pour un sevrage total est devenu un produit consommé de manière fantaisiste, en l'absence de sevrage réel, et pour des durées indéterminées, provoquant aussi une dépendance ou en tout cas ne faisant que la prolonger. Cela crée un énorme marché : aux Etats-Unis, 40 % des fumeurs de cigarettes utiliseraient aussi des substituts de la nicotine, d'autant plus que les interdictions de fumer ne cessent de s'étendre.
On assiste donc à une confusion mêlant deux sortes de produits, l'un considéré comme une drogue nocive pour la santé, l'autre conçu à l'origine comme un médicament délivré sur ordonnance. Tout ceci conduit aussi à une concurrence pour le marché de la nicotine entre industrie du tabac et industrie pharmaceutique.
G.Lafue