Ce garçon est un aimable coiffeur; nous parlons sans a priori de son métier, et ne pensons pas une seconde que ses ciseaux et les miens vont finir par croiser leurs fers rougis, menés à quelque incandescence....
"S'il est une chose qu'il ne supporte pas", me dit-il, c'est "que cet homme lui arrive à la fermeture de son salon", et lui demande, en conclusion, de lui "tailler les poils du nez".
Poils du nez , P.D.N. en abrégé. Le généraliste qui taille, retouche et rase les persona non gratis à longueur de journée ne supporte plus la P.D.S. Permanence du soin.
Notre vocabulaire s'est toujours enrichi, au fur et à mesure que les servitudes ont grandi. Les aveugles sont devenus des non- voyants, les chomeurs des demandeurs d'emploi. Les mots cache- misère, les mots habillés de pacotille font bien rimer déclin avec écrin. "Permanence du soin", cela fait mieux que "prison à vie", même si le chantage concerne la vie des autres, il requiert voir réquisitionne la sienne propre.
Tel son ami coiffeur, le commun des médecins considère, par contagion, comme par érosion, que les limites imposées à son tour de main sont déjà suffisamment étendues de jour pour qu'il ne soit point obliger de trancher dans des zones insalubres, aux heures obscures où la main peut faillir, soit par fatigue, soit par usure, ou bien par vexation.
Le coiffeur peut coiffer le préfet, et refuser légalement, au nom de la raie publique, d'assurer la PDN . Le préfet à son tour, coiffe le médecin, et au nom de l'autre république, résolument plus bananière, lui intime d'organiser sa PDS. "Aux ciseaux dits, aux ciseaux faits", pense le préfet.
La raie publique est en danger. Et les éternels coiffés de la permanente du soin sont fatigués, un peu comme au bout du rouleau....
Dr Bruno Lopez - Fonsorbes