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Ce brave garçon a un grand mal à vivre son emploi ennuyeux, son divorce d'avec une femme non moins ennuyeuse, la froideur des rencontres sur le Net et les coucheries sans lendemain ( sinon mal rasé ) . Il est suivi par un psychiatre d'une ville ennuyeuse ( mais de loin, filature discrète) , un deuxième psychiatre hospitalier relaxothérapeute, protection "rapprochée" sur le canapé duquel il rallonge un petit DE, et un généraliste, ici présent, qui essaie de lui caser trente minutes au moins à chaque séance. Il s'efforce au moins de lui donner ce temps compatissant que le temps compétent ne prend plus.
Il a appris,mon "ennuyé", au fil des échanges, la subtilité des nuances entre anxiolytique, antidépresseur, diazèpines et sérotonine . Il me fait désormais penser à ces informaticiens autodidactes qui ont, dans les magasins, des conversations remarquables de précision et de technicité avec les vendeurs spécialisés à manches courtes.
Par exemple, le Floxyfral prescrit par PSY 1, "il a moins aimé" que le Prozac de PSY 2 qui,dit-il, le fait plus "planner". Le Lexo, c'est plus sympa que le Lysanxia.
Le problème de ce planneur là, je crois, est qu'il aura toujours besoin du vent du prozac.
L'autre jour , en fin de consultation, alors que dans ma tête de brahmane je me prépare à retranscrire son malheur en terme de Prozac, il m'interrompt d'un sourire inhabituel de reconquête : " ah non, docteur, vous me mettrez un générique, de la fluoxétine" ! Fierté du citoyen reparti, grâce aux messages de la TV, vers l'estime économe de son corps....
Le brahmane, génériqué en barman, s'incline alors , et réalise qu'au malheur génériqué on ne saurait répondre que par la compassion princeps d'une autre victime d'un monde chimique ennuyeux, appelé ici "plan(-n) ète, DCI " : le médecin .
Il m'appelle plus "docteur" d'ailleurs ( ça c'est le psy à 40 euros ), il m'a rebaptisé "toubib" ( mêmes propriétés, autre emballage, mais 20 euros )...
Dr Bruno Lopez - Fonsorbes
