Aujourd’hui il n’est plus de coutume d’applaudir les infirmières. IL parait même ringard de les flatter.
On ne gagne pas au loto deux fois, mesdames. De la même façon on peut se demander ce que nos soignants peuvent garder en espérance dans la peur des lits saturés, et des visages désaturés de la pandémie. Les miettes apéritives du Grenelle.
Du coup, sur un autre front, la médecine de ville s’est vu reprocher de ne pas suppléer les hospitaliers en déficit. Comme si forcer des femmes médecins généralistes à quitter leur mari et leurs enfants était incitatif à un mouvement de ces soignants vers là où l’approche humaine doit être inconditionnelle ?
On vit la semaine dernière un chef de service de l’Est de la France pourfendre ces paresseuses travailleuses de l’hôpital ne désirant plus finir à plus d’heure, comme dans le « bon vieux temps ».
Mais quel autre suspect que l’Etat mal pensé, qui dans le temps jadis voulut appâter sa fonction publique par des avantages inamovibles, et désormais irréalisables ? Quel autre responsable que l’Etat, pour constater que le budget des hôpitaux français est supérieur à celui de l’Allemagne, alors qu’en Allemagne les infirmières sont bien plus considérées. Pourquoi cela ne marche plus ?
Nous avons de moins en moins d’infirmières en état d’agir tant elles sont moins nombreuses, moins motivées par leur hiérarchie, peu regardées par leurs « supérieurs » médecins, et peu valorisées par les perspectives de carrière. Le nombre de soignants par lit se rétrécit comme peau de chagrin.
L’autre jour les applaudissements du tour de France féminin cachaient une surprenante information. Le salaire des dames cyclistes avait été multiplié par six depuis 2014. Pour atteindre, hors publicité et primes diverses, cinq mille euros minimums par mois. Cette somme pouvant atteindre le quintuple pour les dix premières des pelotons.
Bien entendu le rêve a toujours eu primauté sur la réalité. Il parait bien, sur une étape de montagne, de frôler la main de telle ou telle athlète. En revanche, toucher la main d’une infirmière après une entrée en réa, est devenu un rêve inatteignable. Elles vont plus vite que le maillot jaune.
On pourrait imaginer que l’abnégation de nos infirmières mérite mieux que 3% d’augmentation octroyées à l’applaudimètre. En lorgnant un peu du coté du ministère des sports.
Car les infirmières (et les aides-soignantes) sont tristes de travailler vite, et mal, dans un silence radio au nom duquel les fautes professionnelles n’ont plus le temps d’être colligées. Les généralistes, encore moins rassurés par la responsabilité individuelle qui est la leur ne peuvent devenir des infirmières, et les infirmières des médecins.
C’est cette tristesse, ce désabusement des jeunes troupes qui conduit à la catastrophe. Prendre cet exode massif comme le caprice de jeunes et moins jeunes soignants est une faute d’appréciation. Et pas un simple fait social.
Ce n’est pas le seul métier pénible que celui d’infirmière. Il y a aussi les médecins, les brancardiers, les ambulanciers. Quelques applaudissements sur les terrasses de 2020, puis rien.
Dr Bruno Lopez - Toulouse