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On ne sait la guerre gagnée que lorsque l?ennemi s?est rendu. On peut, en revanche, entretenir le moral des troupes qu?en parlant des pertes infligées à l?ennemi. L?erreur conceptuelle de notre « claque 40 », indice boursier quotidien délivré par le second responsable sanitaire du pays, est qu?il ne donne pas le chiffre des pertes ennemis, mais au contraire celui de nos grands-pères disparus.
Alors il y a des courbes qui font mal, et comme il était d?usage de changer de peuple quand il ne satisfaisait point, là nous changeons de courbes, de plateaux, de pics, de plateaux plats et de pics en recul. Le plus dur, sûrement, pour les familles endeuillées, cela doit être l?évolution « dynamique » des courbes.
C?est sûrement une amère victoire de se réjouir des morts ennemies. C?en est des plus indélébiles que de soutenir le moral des vivants en soutenant les larmes du malheur qui s?entasse, soir après soir.
Chaque anonyme, chaque non-écrivain, non- chanteur de mots bleus, c?est un peu la tristesse de tous ceux qui auraient bien aimé s?appeler Sepulveda, Dibango ou Christophe et qui sont morts par paquets de cent.
Chaque mort d?ehpad, c?est l?histoire de gens à qui l?on n?a souvent rien demandé pour les y faire entrer, encore moins pour les piéger au traquenard virus, et qui s?en vont tout aussi inutiles que lorsqu?on les y a fait rentrer.
Quoique, c?est une variable d?injustement. Les soirs où la décrue de la pente des réanimés terrasse par la mathématique le plateau tendanciel de la remontée des sortants, ils servent encore nos vieux. On les rajoute le mardi, car on les avait oubliés dans le registre du lundi férié. Le jour du scandale des jeunes (qui meurent à la place des vieux) on oublie les ehpads. Le soir où les morts des ehpads nous interrogent sur notre incivilisation, on reparle des masques, et des hécatombes dans les réserves indiennes.
Ne pas oublier : on a tous eu une grand-mère. L?important, l?essentiel, est de savoir où on l?a mise.
Sur un plateau, un pic, ou à Rungis.
Dr Bruno Lopez - Toulouse
