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La traque

Il y a les patients qui succombent au terme d?une « longue maladie ». Ils sont emportés, certes, mais ont déployé des trésors de volonté, de courage, pour se voir finalement happés, malgré les oncologues. Et puis il y a tous ceux qui sont désormais signalés manquants. Frappés par une courte maladie.
Par cohortes lorsqu?ils sont anonymes, ou par catégorie sociale, ou culturelle, c?est selon. Ils partent en quelques jours. Ils sont devenus des outils statistiques.
Entre six cents et mille par jour en France. On nous dit que « c?est une guerre ». Or on ne peut pas faire la guerre à aussi con qu?un virus. On peut, peut-être, se dire une chose. Que nous avons un point commun avec lui, c?est notre besoin de « croissance ». Et notre haine du confinement.
Ah le gout des voyages ! Stagner sur un marché de wu hang en décembre, entrer en vol première classe vers Paris ou Mulhouse en février, protégés par la troupe. Bringuer à Manhattan au milieu des sirènes, et rêver d?une « nouvelle vague » comme les dandies de Fellini sur des bateaux de luxe !
Nous, les humains, avons depuis longtemps déclaré la guerre au bon sens.
Nous avons fini par conclure que les vieux, très vieux, seraient mieux en terre confinée. A notre télétravail suggéré ces temps-ci, nous leur avions déjà opposé un « télé déclin », quitte à ce qu?il fut accéléré par quelque économie, de masques et de surblouses.
Et ces temps-ci nous avons également retrouvé nos enfants insupportables, à canaliser comme des virions ensauvagés.
Nous avons fait circuler de salvatrices vidéos, sur l?amour, l?humour et le rire. Nous avons subitement compris que les hospitaliers méritaient des bravos bien mieux que des bastons aux urgences. Et que, s?ils réclamaient des lits, ce n?était point pour un jour eux-mêmes les occuper.
Cela a pu faire du bien en ces temps difficiles.
Et il a fallu aussi éviter que le temps de retrouvailles conjugales se finisse au commissariat, après un curieux signalement chez les pharmaciens.
Désormais est venu le temps de la traque. Le confinement n?empêche pas le « sniper » de rester sur les toits, à attendre notre relâchement. Le déconfinement fera surtout repartir l?énergie des snipers. Alors il faudra probablement construire une ligne de démarcation. Garder de nos vieux ( 60 ?, 65 ?) une distance de deux mètres et les laisser vieillir malgré la crainte.
Tester tous ceux qui sont jeunes, leur faire porter une carte de statut sérologique. Il faudra se demander comment faire de jeunes généralistes très vite, car la moitié de ceux qui restent ont plus de 55 ans. Et qu?ils manqueront à l?appel, comme les masques. Il faudra des lignes de démarcation, entre une France confinée et une zone libre, bien nécessaire à bien mener la traque. Cette ligne de démarcation sera la seule frontière succédant à nos piètres barrières. Il faudra que nos dirigeants masquent autre chose que leur légèreté comptable. Cela leur prend encore trop de temps.
Et qu?un président de l?écologie ait les pleins pouvoirs pour éviter la co-vid20.
Et puis nous prendrons le seul luxe qui puisse nous séparer du virus. Evaluer, et remettre en question notre propre grandeur vis-à-vis de sa petitesse. Cela prendra plus de temps que des tests rapides, complètera le vaccin, mais sera bien nécessaire.




Dr Bruno Lopez - Toulouse


Derniére mise à jour : 13/04/20

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