On imaginerait le compte rendu des matchs de football. On donnerait la liste des vainqueurs, et des vaincus, « sans tenir compte » des buts marqués par un tel, ou tel autre, catégorisés au fer rouge de la différence.
Si l?on a tant tardé à évoquer les deux mille morts (provisoires) en ehpad, soit environ le tiers des morts touchant un pour cent de la population, c?est bien déjà que ces personnes étaient considérées de deuxième rang.
En Allemagne, le nombre de soignants par ancien est le double de ce qu?il est en France. Cela ne bouge pas.
Si le personnel d?ehpad s?est senti « coupable » d?avoir disséminé la maladie, il n?aurait pas pu en être autrement dans la mesure où ces vieilles personnes ne sortaient pas, en attendant sagement d?être contaminées.
Si l?on a pratiqué un test sur les deux premiers morts, et pas un de plus, c?est bien parce que la satanée obsession de l?économie prévalait et prévaut toujours sur le dos du vieillard. Quelle sottise. Imaginons que les deux premiers morts soient morts de la grippe, ou d?autre chose, va-t-on, ou non, tester le troisième mort ? Et si non, ne va-t-on pas laisser se propager davantage le virus ?
Depuis dix ans la France traine, la France aréactive qui a cédé d?énormes parts du « marché » au secteur privé n?a pas trouvé un mode de financement du cinquième risque. La dépendance. Les attentats, les gilets jaunes, la réforme des retraites, tout est passé devant. Pourtant tous ces vieillards confinés sont ceux-là même qui ont permis l?édification de notre solidarité. Il semblerait que la « dose » de leur mort qui nous prenne à la gorge. Tout de même, cela fait beaucoup en si peu de temps?
Dans ces « indian reservations », réserves indiennes d?un nouveau far west, sont amassées sept cent cinquante mille personnes, à qui l?on n?a rien demandé, ni dans leur acceptation d?y arriver, ni dans celle d?y être protocolisés, labellisés, confinés, puis infectés en toute humanitude.
ON imaginerait mal nos « réfractaires gaulois » accepter d?être enfermés dans un lieu tiers, pour de bon, et d?avoir pour gardiens (même dévoués) des gens sans gants, sans masques, venant au-dessus de leurs corps tousser, cracher et s?essuyer le front.
On n?imaginerait pas que ces êtres pris au piège du confinement vers l?inéluctable, soient mis en isolement final, sans famille, sans contact. Et pourquoi ? Pour la peur de ramener au dehors les germes que notre absurdité leur a déjà infligés ? N?a-t-on pas un peu de pudeur envers la cascade des évènements ?
Il n?y a pas de mutineries dans les ehpads. Il y a des consignes du 15. Se déplacer à partir de gir 3.
Curieusement, il a fallu attendre ces chiffres « décalés » pour qu?un regard se porte sur ces endroits si chers payés, et finalement toujours au bord de la faillite, avec des intérimaires, si mal récompensées, faisant de l?arrêt de travail la dernière cartouche et l?arme dissuasive pour dire « ça ne va plus ».
Cela va-t-il changer, ou bien le cinquième risque serait celui de rester la cinquième roue de la charrette ?
Dr Bruno Lopez - Toulouse