Les vétérans de la seconde guerre mondiale, réunis dans un hôtel de Philadelphie, ont enduré une mortalité de 15% en un week-end de 1976. L?état de vétusté des tuyaux d?hôtel n?avait rien à envier à l?insalubrité des basses-cours de Wu han.
On ne saura jamais si c?est dans un hôtel de Biarritz que les dirigeants du G7 ont succombé, voici un an au lent, inexorable syndrome de « Kilgore »
Le lieutenant- colonel Bill Kilgore, incarné par Robert Duvall dans Apocalypse now est le fameux gradé qui arrose de napalm les rizières du Vietnam. Et comme ses hélicoptères ne font pas assez de bruit après l?épandage de napalm, il trouve judicieux d?équiper ses hélicoptères de haut-parleurs géants. La walkyrie semble la partition la plus appropriée.
Nous sommes en guerre, les soignants manquent, mais les communicants non. Il nous est expliqué que les manques de masques, par centaines de millions, sont dus à deux choses : le fait que personne n?ait pensé à renouveler les commandes depuis 2010 (raison numéro 1), le vol inexcusable de 15 000 masques dans la région bordelaise (raison numéro 2).
Imaginons une seconde que l?infirmière libérale du quartier oublie UN SEUL renouvellement de pilulier pour cent pour cent de sa clientèle. Elle aurait sur le dos TOUT le réseau administratif local, qui irait, à juste titre, lui chercher querelle. Et elle ne pourrait pas évoquer pour défense qu?un cachet d?aspirine soit tombé sous le lit?
Nous soupesons au quotidien la capacité de nos lits de réanimation à accueillir un flux strictement inadapté à une restriction de lits et de personnels. Nous nous étonnons qu?un système sanitaire fonctionnant sans stocks et géré comme une industrie marchande et trie les « clients » à livrer.
Le peuple, lui, hésite à penser qu?il faille applaudir les soignants, ou huer auprès des colonels Kilgore. On lui serine que la reconstruction sera lente, terrible, on ne lui garantit rien sur le fait que, l?acheminement des masques accompli, d?autres immenses négligences seront commises au nom des étourderies de santé pour la guerre d?après.
Dr Bruno Lopez - Toulouse