La France d?en bas continuera inconsidérément son jogging, son marché bio agglutiné et l?enviralement accéléré au rayon rouleaux hygiéniques. La France d?en haut applaudira ses docteurs merveilleux à compter de vingt heures. Dans les escaliers, les français honteux, qui venaient aux urgences pour une rhinopharyngite, croiseront les français valeureux qui, assurément, iront désormais (c?est juré) à la manif soutenir l?hôpital en crise. Le masque évitera la gêne.
Le « hand- clapping » saura s?ajouter aux mesures barrières de la distanciation sociétale d?un pays apprenant (à condition de frapper fort dans ses mains).
La ministre du travail, non doté en préventologie, ne prendra pas de gants pour demander aux patrons de « se donner la main ».
Le ministre de l?agriculture nous demandera de faire la queue au rayon fromage des marchés ouverts avec le mètre dans la poche. Il rassurera les caissières qui auront toute sa compassion, plus une casquette à visière (en attendant les masques). A vingt heures cinq, nous applaudirons les caissières, puis les routiers, puis les pharmaciens, les dockers, la CGT, la chloroquine, Amazon. Vers vingt deux heures un peu de gel hydro-hydroalcoolique viendra refroidir l?épanchement manuel des français omni- reconnaissants. Nous n?applaudirons pas les footballeurs, qui ne jouent plus.
Cinq milliards pour la recherche dans les dix ans. La première année nous rechercherons les masques.
On nous demandera de faire comme nos dirigeants, soit de passer huit heures par jour devant, ou derrière l?écran. Télé matin, télé travail. Télé consultations. Chaque journaliste, exhausteur d?angoisse, chaque docteur dédié à répondre à chacun, nous ne pourrons plus quitter ces « nous-nous » implacables, task forces de cette petite fin de monde. « Docteur, les haïes ainesses, je dois les arrêter ? » « Le paracétamol fabriqué en Chine est-il contagieux ? » On surprendra un journaliste disant à ses fidèles : « nous reprendrons l?antenne après un parrainage ». Il n?y a plus de publicité, juste des parrainages, bientôt des pèlerinages.
En sachant que les principales victimes du conid 19 ont plus de 75 ans, il paraîtra vraiment urgent de dissiper l?inquiétude des clientèles connectées via la télémédecine, tandis que nos vieux, pas télévisuels pour un sou, verront leur mort dans la Dépêche, ou Midi Libre. Ils n?atteindront pas l?âge où l?on se souvenait de la grippe espagnole, mais amélioreront tout de même l?équilibre des caisses de retraite.
Le ministre des contraventions concédera, lui, aux 168 000 aveugles de France la difficulté à rédiger leur auto-attestation dérogatoire. Le nom du chien et sa puce électronique seront contrôlés pour que le trafic des toutous n?amène pas le même propriétaire à sortir avec tous les chiens de l?immeuble.
Certains instants nous serons très fiers de faire mieux que les italiens, et assez discrets vis-à-vis des allemands. La Corée du sud ne sera pas évoquée.
Dr Bruno Lopez - Toulouse