Dans « Good morning Vietnam », Robin Williams réconcilie les soldats de sa guerre perdue avec le rock?n roll. Le moral des troupes US engluées dans une mauvaise guerre, bientôt perdue, est régénéré par un disc-jockey survolté.
Le corona virus occupe désormais les rizières, les baies et les c?urs de nos villes. Les débatteurs télévisuels se sont transformés en chevaliers servants de notre apocalypse, prêts à nous traduire en langage décodé les improvisations de nos gouvernants. Ils se relaient tandis que les publicités sur Cuban air, les voitures hybrides et les barbecues occupationnels occupent encore l?espace.
« Good Morning corona ! ».
Une période de jeûne, un « dramadan » sans autre alimentation mentale que le compte morbide des infectés est prévu pour au moins 45 jours.
Savions -nous, hier que les milliardaires de Shangaï flottaient au- dessus d?esclaves co -virus involontaires d?un monde trop marchand, et qui, très vite le redeviendra ? Savons -nous, aussi , pourquoi les chinois nous ont probablement menti. Leurs trois mille morts affichés pour un milliard et plus d?habitants seraient essentiellement imputables à leur antidémocratique confinement. L?Italie et nous, belles démocraties, faites d?inconscients oubliant de porter les masques qu?ils attendent, avec tant de savants et si peu de savons, aurions tout autant de morts avec vingt fois moins d?habitants ? C?est qu?on nous prendrait presque pour des clients de superettes assiégeant les nouilles ! Nous déstockons, la Chine restocke.
Nous sommes les citoyens d?un monde où l?on peut, le matin, signer le contrat du siècle à Pékin, et se retrouver intubé à Mulhouse le lendemain. Nous nous voyons facturer 200 euros le périple pour Marrakech , et 2000 euros le prix d?un jour de réanimation.
La « distanciation sociale » est devenue le maitre mot de notre exhortation à laisser notre prochain, dans son hypothétique survie, à distance de notre propre sauvegarde. Le chariot de supermarché, et sa longueur, sont devenus la distance, et l?éperon de notre distanciation.
Depuis une semaine les législateurs, les prédicateurs et les collapsologues se succèdent sur les plateaux. L?intelligence artificielle, le télétravail et la connexion des infectables seraient le seul remède à la réduction de courbe des infectés. En rajoutant un peu de choroquine, ou d?homéopathie.
Nous sortirons donc ce midi, dans les rues, avec un document attestant de « pourquoi nous sortons ». Pourquoi ne pas ancrer ce geste dans notre constitution ? Pourquoi ne pas se demander, toujours, ce pour quoi nous sortons.
Tout cela, l?oublierons- nous jusqu?à la prochaine pandémie, la prochaine « guerre » ?
Demain, ou dans un lendemain échappant aux experts, lorsque tout cela sera (provisoirement) fini, une autre courbe, plus éternelle, reconvoquera les experts, les disc jockeys et les oracles. Celle de la capacité d?oubli, ultime renfort de la bêtise naturelle, poste avancé de l?indifférence artificielle. Lorsque le pic de l?horreur digérée déclinera, et que celui de l?indigestion des mondes reprendra le dessus. Goodbye Corona. « What else ? » SUV et barbecues.
Dr Bruno Lopez - Toulouse