Les premières expérimentations ont parlé ! Les médecins aidés d?un assistant médical augmentent leur productivité de 15 à 25 %. !
Ce n?est pas un communiqué du parti communiste russe du temps du bon Stakhanov. Il s?agit des premiers frémissements ressentis du côté du ministère de la santé.
Imaginons le docteur Pellerin, 67 ans. Son ministre de la santé lui a conseillé d?être « un bon citoyen ». De décaler son âge de départ à la retraite. Un peu fatigué par un labeur qui, somme toute, lui a laissé la main tremblante, il rejoindra la maison médicale du secteur le lundi et le jeudi.
Le lundi, fort de la présence de son assistant médical, il pourra parvenir à un score de 37.2 patients le matin. L?après-midi, malgré la lassitude et l?envie récurrente de filer vers ikea, pour profiter, en juste retraité, du temps aménagé, il repart au combat. 40 et six- dixième à vingt heures. Deux heures de plus que son assistant.
Les 77,8 patients mesurés, pesés, tensio-maitrisés quittent le kolkhose avec le sentiment légitime d?être passés du désert à la médecine des mines. Temps passé en « temps médical » : sept minutes.
Le jeudi, jour de congés de l?assistant médical (nous préférons ne pas imaginer que l?assistant médical ait été arrêté, pour « burn- out », par le médecin du mardi), le docteur Pellerin a du mal à contenir les 48 patients déjà arrivés en salle d?attente. De plus, les patients sont, enfin, libérés à l?idée de retrouver un peu de colloque singulier, alors le temps s?étire, et finie la cadence du lundi.
12 d?entre eux se mettent à maugréer en salle d?attente. L?ordinateur est en panne, les abaisse-langues ont disparu, et le docteur du mercredi n?a pas laissé de notes au dr Pellerin. Le soir suivant, à 21 heures, six des douze mécontents se faufilent vers la maison médicale de garde. Les six autres ont pris rendez-vous la semaine suivante avec l?ostéopathe du kolkhose, qui reçoit le mardi.
Heureusement, le dossier médical partagé permettra de suivre le passé médical des visiteurs du soir. Flashés le lundi, éconduits le jeudi et? revenus le vendredi !.
Nos patients ont-ils fait de « l?accueil » le seul réceptacle de leurs angoisses sanitaires ? Nos politiques considèrent-ils une seconde que la délivrance de soins accélérés sera profitable au système de santé ?
Les vingt millions de passage aux urgences devenus trente millions dix ans plus tard sont-ils explicables par un déchaînement des symptômes et la désaffection des jeunes pour la médecine générale ? Le docteur Pellerin est-il le Clint Eastwood du nouveau monde ?
La France est désormais un territoire qui compte 48% de généralistes pour 52% de spécialistes. Les généralistes ont pour mission de rassurer vite et bien (?) des patients qui stagnent, angoissent et périclitent avant de pouvoir accéder aux examens complémentaires, faute d'examen clinique, faute d'écoute.
On peut démultiplier les kolkhoses, on peut accélérer la cadence des bagnards, doubler les rations de rhum, la fièvre des urgences n?en retombera pas pour autant.
Dr Bruno Lopez - Toulouse