C?était en 2003, je crois. Caroline avait dix huit ans. Elle venait d?accomplir une cure de réduction mammaire. Je me souviens de ces deux somptueux territoires dont le meilleur chirurgien de Toulouse avait redessiné les contours.
Caroline avait aussi une gynéco. Sa maman m?avait expliqué que moi j?étais le « bon docteur de famille ». De ce fait j?avais vu ses amygdales la nuit, ses tympans le dimanche, mais le frottis, à ça non. Sur rendez-vous, trois mois d?attente, six mois de pilule.
Oui mais un jour, tout s?accélère, l?entrée prochaine à la fac, le changement de bonnet, les flirts qui désappointent maman. Caroline a besoin de son renouvellement de pilule. La gynéco est en congrès.
Sur la troisième génération. Je l?ai appris il y a quinze jours.
Elle téléphone au cabinet, Caroline. Ou plutôt la maman de Caroline téléphone.
Ma secrétaire prend le message. « Il est gentil le docteur, il va me dépanner ».
Et ben non. 2003. On sait déjà que Diane 35 est un traitement de l?acné. Point ( noir ) sur le nez !
Les gynécos prescrivent larga manu, les dermato aussi, les endocrinos ne se gênent pas., non plus.
Je refuse la chose à la maman de Caroline. Parce que les boutons de Caroline ont désormais caché l?inutilité de ces seins trop vite réparés. Parce que Diane, tout le monde sait que c?est, « à la limite », un machin pour l?acné. Et pas un truc à rembourser pour pas avoir des bébés.
Alors la maman me « convoque » à mon cabinet. « Docteur vous me décevez, vous savez que ce sont des traitements que deux spécialistes lui ont recommandé ! »
Nous sommes en 2013. Il y a longtemps que je ne vois plus Caroline, et sa mère. Mais j?imagine hier soir. Sur France 2 , ils en sont à sept morts pour Diane. Ce matin France Inter était retombé à quatre.
Caroline a des seins plus petits. Comme trois cent mille femmes, elle s?est pris ça dans la tronche hier au soir.
Alors Diane 35 à 7, ou 35 à 4 ? .
Sur les boites de pilules, sur toutes les boites d?ailleurs, on devrait mettre le nombre de morts.
Mediator « 500 », Cerazette « 14 », Vioxx « 892 ».
Et comme ça, les pharmaciens tiendraient les scores, au lieu de nous embêter à fliquer les génériques.
Moi, entre temps, j?ai fermé mon cabinet. J?en avais marre des médicaments à répudiation prolongée.
Dr Bruno Lopez - Toulouse