Le docteur Lemoine, psychiatre reconnu, attribue à notre « terrible gentillesse » la prescription copieuse qu?est celle des anxiolytiques, et des antibiotiques, émanant en grande part de la plume des praticiens français ( tribune du Monde le premier septembre 2012 : « la terrible gentillesse des médecins français » )
Son oxymore s?appuierait sur notre indéfectible incapacité à savoir dire non. « Le médecin français, contrairement aux médecins hollandais, turques, ou serbo-croates ne saurait pas dire non ».
Qu?il soit permis de douter de la véracité de cette hypothèse. Le médecin français sait dire non, mais ne peut pas le faire au sein de son cabinet. Le système de santé français est fondé sur le paiement à l?acte. Ce n?est pas un système « gentil » . C?est un système terriblement « méchant ». Qui encourage au renouvellement de l?erreur, là où le docteur Lemoine aspirerait à la restauration de la vérité.
Mettre en place une thérapie cognitivo-comportementale, élaborer un plan de sevrage en benzodiazépine , faire ici ce qui a tant de succès là-bas, c?est avant tout extraire des médecins pressés de leur cruel handicap. Le système de santé « solidaire » créée les paralympiques de la politique sanitaire. Le généraliste caracole au terme de consultations amputées de leur sens, il court après la valeur dévaluée de l?acte pour garder son niveau et son modèle économique.
« Une clientèle s?éduque » ? Non, elle « s?éconduit » . Demander à un médecin de prendre en charge un anxieux sans anxiolytique, c?est demander aux policiers français de courir à pied derrière les voleurs. En omettant, de plus, que la France soumise aux licenciements massifs, aux conflits du travail et des vies intimes, manquera de psychiatres et de psychanalystes, pour aborder la charge anxieuse de nos contemporains autrement que par l?épandage des anxiolytiques.
Le désert médical français est parcouru d? oasis remboursables. Ce sont vers elles que les classes moyennes soumises à l?angoisse se tournent, et se tourneront de plus en plus .
Parler d ? « interactions mortelles », des « demandes d?arrêt de travail anormales » imputables au baudet généraliste n?est pas « terriblement gentil ».
C?est tout le système libéral français de premier recours qui est à réformer. Rêver de stages dédiés au « savoir dire non » pour la piétaille ( qui assassine et ruine ) est une opinion hautement tentante pour qui a parcouru le monde.
C?est une opinion à laquelle il faut savoir dire non. Parce que partielle, et réductrice.
Apprenons à ne pas devoir dire oui. Et donnons nous les moyens de pouvoir dire non. C?est simple comme « un bonjour » anxiolytique.
Dr Bruno Lopez - Villeneuve Tolosane