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What else, Christian ?

Ami, nos chemins ont divergé. Tu continues à croire défendre la médecine générale depuis l'intérieur du bastion, moi j'ai pris mes quartiers d'hiver dans un hopital de quatre sous, en plus payés à la fin du mois.J'ai deux ou trois choses à te dire. Tant pis si j'ose.

La première concerne ce qui relève de la stratégie des militantismes "ouvriers". Les syndicats de cheminots défendent la pénibilité de la tâche des conducteurs de trains ? Bientôt les trains n'auront plus de conducteurs. Les syndicats de caissieres défendent la cause ( et le dos ) des caissières syndiquées ? Bientôt il n' y aura plus de caissières.
C'est ainsi que les généralistes se sont défendus en 2002. En refusant les gardes, au nom de la pénibilité. C 'est bien, nous dormons la nuit. Et malgré ça, le métier n'entend toujours pas le réveil.
Nous avons eu ce premier allumage de retard, Christian ....Le monde moderne n'a pitié de personne. Il est un monde d' évolution ineluctable, pas de révolution de héros sur le retour. Le syndicalisme généraliste est aussi sot que le syndicalisme du rail, ou des superettes.

La deuxième concerne la "cause des médicaments". Ce n'est pas notre activisme qui a bousculé Big Pharma. Ce sont les valves de tous ceux qui ont bouffé du mediator, c'est la ténacité d'irène Frachon, et la voracité d'un vieil industriel. L'affaire mediator, personne ne l'a vu venir. Le big bang n'est pas venu du côté des matamors.
Ce monde de voracité se bouffera de lui-même. Laisse faire. Il atteindra son régime de croisière . Avec ses titanic, et ses goelettes. Tu feras pas vivre la recherche avec la subvention d'état. Il faudra toujours un peu de paillettes au cul des nouvelles molécules, et des professeurs un peu gras ( pas trop) bouffant à quelques rateliers , pour que nous puissions gaver nos patients de fausses esperances, dans ce monde qui n'en fournit plus de vraies.

La troisième concerne une bonne nouvelle. La "revue française de gériatrie" de juin 2011 écrit un superbe article sur "généralistes et Alzheimer". Si tu as l'occasion de la lire, tu y verras, page 389, ce qui est écrit. "Les thérapeutiques non médicamenteuses peuvent se présenter comme efficaces, et peut-être même plus que les traitements médicamenteux " . Même si l'ebixa garnit la quatrième de couverture...Ici aussi on a gagné. L'HAS va bientôt faire passer Prescrire pour la revue du Medec !

Pour moi la révolution généraliste aura à se délester du "tout médicament". Deuxième étape, la plus formidable. La mise en place de stratégies non médicamenteuses, l'élaboration de projets médico-sociaux, l'organisation des fins de vie à domicile, des besoins gériatriques grandissants d'un pays dont les vieux et les médecins vieillissent. "Nous" fonctionnons sur des révoltes d'opposition. L'exemple des anticholinesterasiques s'est AUSSI construit sur le fait que la primo prescription se faisait dans le dos des généralistes. Alors nous avons boudé ces molécules arythmogènes. Alors qu'a priori la prescription de neuroleptiques chez les vieux réveille moins de scandales dans la profession...
La vaccination contre la grippe A était interdite aux mg ? Alors nous avons boudé ce vaccin !
La "risquologie" gérée par les endocrinos, et les cardios ? Ne pas être seulement risquologues "mieux qu'eux". Mais réinscrire dans notre constitution de médecins que chaque patient n'est pas un "putain de risque" , mais UN patient.
Si nous continuions dans la contestation pure et crasse .....Quelle pourrait -être la jurisprudence des tutelles à ce genre d'attitude ? Nous permettre à nouveau de tout prescrire, et d'investir les vaccinodromes... Qu'y gagneront nos malades ?

La vraie fierté généraliste, c'est aussi bouder les chimiothérapies systématiques de la dépression, développer les thérapies comportementales, les séances de groupes, tenir ferme face aux chimiothérapies excessives de l'oncologie gaspilleuse, c'est exiger de participer aux réunions pluridisciplinaires qui hésitent entre radio et chimiothérapie. C'est s'investir dans des pools de compétence, avec des addictologues, des généralistes maniant le colposcope, un qui sache bien lire les ecg par quartier, et appelé par d'autres.
Ne sommes-nous pas les "médecins traitants"? C'est, par contre, pour dégager du temps,laisser les rhumes aux pharmaciens et aux mutuelles, "qui remboursent le doliprane sans ordonnance", pour se consacrer à tout ce dont nous avons été écartés. Le diagnostic, la surveillance, et la stricte économie de santé au service de patients -patients, et non de patients- payeurs .

Tout cela passera par un retrait définitif du paiement à l'acte. Tu le sais comme moi. Seulement, le "courage généraliste" , c'est souvent, c'est encore réclamer cette abolition "progressive" et ... un euro de plus tout de suite. L'euro pour la survie, l'euro pour l'agonie.

A un moment, tu ne peux plus faire ce grand écart, Christian, sauf à sacrifier notre idéal dans ce même grand écart, et notre logique de médecine solidaire dans la démagogie de la médecine dépensière. Salut. Ebixa, Exelon. Bientôt on fera un grand bûcher de tout ça.
Mais les généralistes s'occuperont -ils mieux de tous ces vieux, une fois la griserie passée ? ...

And what else ?




Dr Bruno Lopez - Casteljaloux


Derniére mise à jour : 14/07/11

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