Leur toit leur est tombé sur la tête. Quand votre dernière demeure s?écroule, quand votre dernière halte est en réparation, l?ambulance vous reprend en cargaison, comme un dernier rappel d?un concert désarticulé. Ils sont arrivés en paquets de trois. On leur a trouvé les lits qui étaient réservés pour d?autres vieux du lendemain. Alors, ces vieux du lendemain ont été reportés, ou exfiltrés vers d?autres toits.
Les familles de ceux qui avaient l?habitude de les voir couchés nous ont demandé pourquoi nous avons tout tenté pour les lever. Les familles qui ne demandent plus rien de leurs vieux ne nous ont rien demandé. Nous nous sommes demandés duquel de ces deux groupes nous endurions le plus.
Chaque matin, après une arrivée difficile, ils se sont ré ouverts à la vie. Le personnel s?est rendu compte qu?ils ont grossi, et qu?ils ont ressenti que les rations étaient plus copieuses ici que? là-bas .
Un ou deux ont repris à marcher, et l?une a retrouvé l?esprit en oubliant ses médicaments. Demain nous allons les renvoyer. Lavés, pesés, ragaillardis.
Monsieur le président, vous avez cinquante six balais. Vous approchez maintenant délicatement de la maison de retraite. Vous le faites entouré de décideurs, de députés, de prestataires d?allocations dépendance et de chercheurs en molécules à haute valeur ajoutée. France 3 et la dépêche des Ardennes vous suivent à la trace.
Ce sera la seule fois, sur deux cent programmes ,que la télévision montrera nos vieux. Ensuite, les danseuses nues du karaoké et les tueurs en série reprendront la tutelle de l?écran.
Vous allez le faire deux ou trois fois d?ici les présidentielles. Et puis vous vous en irez.
Puis dans quinze ans, quand les affaires, qui agrippent chaque dossier présidentiel , vous agripperont, votre avocat, ou votre gériatre vous exempteront de tribunal, pour Alzheimer probablement.
Alors vous rejoindrez probablement une de ces maisons mal foutues où s?exilent vague sur vague les négligés de la nation. Que la votre soit agréable, que ses gériatres aient du personnel dévoué et des espaces de vie préservés des méandres de l?inhumanité.
Qui sommes -nous à devenir ? Quelle nouveau financement, extorqué aux moins vieux, les détournera-t-il davantage du spectacle de l?acceptation ?
Dr Bruno Lopez - TONNEINS