Ici bas, le généraliste est le médecin qui est supposé pouvoir accueillir ( ou visiter ) dans les dix minutes une pathologie qui dure depuis vingt ans, et qui ne saurait durer davantage. Il s'oppose à l'autre expert, le spécialiste, à qui l'on tolère six mois d'attente pour ( enfin ! ) élucider un problème qui dure depuis dix minutes. La société récompense les uns en les faisant usiner à la tâche, les autres en leur accordant aisance et tranquillité.
Parfois, le généraliste, qui se ressent tout de même un peu spécialiste des coups tordus, s'efforce de s'appliquer à lui-même, et aux patients accueillis, la discipline du rendez-vous, juste pour s'efforcer d'appliquer dans la dignité les principes qui lui permettraient de résoudre quatre vingt quinze pour cent des problèmes des patients qu'ils connaît. Or ces jours-là, ces patients qu'il n'a pas eu le temps, ou le loisir, de rééduquer, profiteront de cette rencontre pour exiger la résolution des deux virgule trois problèmes qui sont ceux de leur vie. Puis, si du temps reste, d'exposer ceux de la "petite qui tousse", ou du "mari qui n'a plus de médicaments". Puis ils s?en iront, en se demandant pourquoi l?on va bientôt manquer de ces rares citrons dont on presse si allègrement le jus.
Alors le généraliste ne sait plus s'il est à même de résoudre, ou, pire alerte, se ressent comme incapable de tout mener de front.
Le généraliste, confronté à cette réalité tente, le soir vers dix sept heures, de prendre rendez-vous auprès de l'expert pour élucider tous les problèmes ne rentrant pas dans ce curieux partage des rôles.
Il se verra mandater pour quémander de son autorité, une aumône à quinze jours de ce qu?il se doit lui-même d?exécuter parfois dans la précipitation.
Et là il tombe sur un répondeur, qui lui rappelle qu'il ne vit pas sur la même planète. Car la prise des rendez-vous d'expert ne se fait qu'aux heures où les experts financent une secrétaire. Et ce ne sont pas les heures où le généraliste reste la secrétaire éberluée d'un monde médical désorganisé.
Parfois, de temps à autre , un professeur de médecine générale est nommé. Couvert d?honneur, il part en faculté pour dégarnir encore le front des derniers exécutants.
Certaines mauvaises langues iront à dire qu?il y aura bientôt autant de professeurs de médecine générale que de places vacantes pour être internes en médecine générale?
Dr Bruno Lopez - partout