Le premier rendez-vous n?est qu?à neuf heures, et il semble bien que ces si prévisibles visites imprévues ne pourront déranger cette promesse de répit.
Un café chaud au café du coin , l?agenda posé sur la table du petit matin. Le cafetier vient de saisir que vous êtes le remplaçant du docteur, de celui qui n?a jamais le temps de passer au café.
Et le téléphone portable sonne. La dame de neuf heures , celle qui vous attendrait sagement en salle d?attente, vous appelle en larme sur le portable. « Je ne pourrai pas venir docteur, j?ai trop mal au dos ».
Vous prenez non sans mal son adresse, en repliant l?agenda du bonheur confisqué. Et vous vous rendez à l?adresse indiquée, en blâmant ce merveilleux système qui fait de nous les lustreurs de coursives. L?immeuble semble moche, les noms scotchés sur l?interphone. Ce sera donc le quatrième étage. Et vous cherchez l?ascenseur. Celui-la même que vous auriez pu imaginer accompagner la dame vers son rendez-vous programmé, tandis que votre café aurait répandu en vous ses bienfaits.
Elle vous attend pliée en deux,comme son linge répandu en autant d'empilements maladroits, vous remercie d?être venue, et vous guide vers sa chambre d?enfant, celle où elle ira nicher sa douleur pour un examen sans appel. Elle a vraiment très mal. Comme sa chambre doit être peu présentable elle s?est allongée sur le lit de son enfant.
Dans sa cuisine, une table en bois étroite , un bol de lait interrompu pour sa petite, que la voisine a amenée à la crèche. Une requête d?indulgence pour une caisse d?allocation. Le mot « son papa » esquissé sur ce brouillon comme l?évocation d?un marin parti au large depuis longtemps. J?essaie de la faire sourire dans son malheur. En protégeant son arrêt ?maladie des miettes et du désordre des gens pliés en deux.
Parce que je suis le premier recours d?un quatrième étage sans ascenseur, et le dernier représentant d?une race simplement adéquate à soulager les malheurs qu?on lui laisse de plus en plus l?opportunité d?observer, je suis généraliste, atroce privilégié qui n?a point le loisir de conserver le temps nécessaire à espérer les dissiper.
Dr Bruno Lopez - Toulouse