D?abord, il y a sept mois. Une femme m?appelle sur mon portable . « Je sais que vous êtes à la recherche d?un nouveau poste, mon mari vient de mourir subitement, alors j?ai pu avoir vos coordonnées »
Puis il y a huit jours. Un jeune confrère m?appelle. « Tu sais , je viens de reprendre une clientèle de grosse activité. Et j?ai bien peur pour cet hiver de ne pas y arriver tout seul ».
Les deux appels se confondent. Par courtoisie je me rends sur place.
Un havre de paix, désormais sanctuarisé. Piscine. Dix mille consultations. Parc impeccablement entretenu. Six cent visites. Grand parking accueillant. Deux cents visites de dimanche. Un cabinet médical attenant à la demeure. Trois mille visites de nuit, ou de dimanche. Lieu austère. Dépose de plaque : une consultation. Une plaque fraîchement posée sur celle du disparu.
Un agroupement de patients devant le cabinet. Un homme en « marcel » lit l? Equipe dans la salle d?attente. Une jeune fille prostrée, en face de l?homme, attend , les bras en croix.
Dehors, trois autres femmes, plus âgées, attendent l?heure du début de la consultation.
La chaleur est de plomb.
Je demande à l?une d?elle : « vous pouvez me dire si le docteur est déjà arrivé, je devais manger avec lui, je suis un confrère ».
Elle me répond : « nous l?avons vu partir ». L?autre : « il est parti avec sa mallette, ça devait être une urgence ».
La première : « vous voulez que je lui dise quelque chose ? »
Moi : « non, ce n?est rien, dites-lui juste que je suis passé ».
Il est donc fort possible que je laisse ce type être le prochain mort sur l?ordonnance. Il y aura sûrement le loyer à payer, et puis tous ces gens qui font la ronde, qui essaient de voir déjà si,
« voyons , le jeune docteur est-ce qu?il va être aussi dévoué que l?ancien ? »?
Il est treize heures trente, je laisse la chape d?inéluctable se reposer sur l?édifice solide des rendez-vous prémédités. L?homme qui lit l? Equipe attend son tour. Il a bon espoir, arrivé le premier, il passera dès que le jeune docteur sera rentré de sa visite.
Dr Bruno Lopez Toulouse