| | | |
Je travaille avec ce type depuis vingt ans, et c'est la première réelle fois que j'ai besoin de ses lumières de rhumatologue plutôt érudit. Le reste du temps, il met un nom et des rayons répetitifs sur des arthrites qui ont besoin d'avoir une estampille. Ah si, une fois, il a failli me tuer une grand-mère avec un immuno suppresseur innovant.
Xavier, dix huit ans, a une douleur de la région lombaire paravertebrale gauche depuis six semaines. Rien n'y fait, ni les AINS, ni le paracetamol codéiné, ni le repos scolaire dont il a l'air de beaucoup apprécier la nécessité.
La famille fait pression pour que je trouve. Rachis normal à l'examen, pas de Lassègue. Cliché simple normal. Bio sang et urines normales. Scanner ( après trois semaines ) abdominal : rien au niveau visceral.
Je pense à mon rhumatologue.
J'en parle brièvement au téléphone à cet homme, éminent spécialiste, très occupé dans sa clinique. Histoire de voir s'il lui reste, soit un peu de confraternité, soit, au mieux, de curiosité intellectuelle. En fait il s'en fout. C'est un correspondant qui ne me correspond plus.
Il me dit, pour couper court, "je vous passe ma secrétaire". "Le premier rendez-vous sera dans trois semaines", et pas avec mon brumathologue, faut pas croire, mais avec son associé, qui, manque de pot, n'est pas vraiment une lumière.
Xavier ira donc aux urgences de l'hosto, faire la queue entre les déshydratés et les tentatives de suicide du week-end. Pour avoir "un avis". Et un interne qui va demander l'avis d'un autre interne qui va dire à Pelloux qu'il y en a marre de travailler comme ça. Et les parents auront oublié la lettre de trois pages dans laquelle ils ne sauront lire que mon ignorance de ville.
C'est comme ça, et c'est pour ça que l'on va déclencher un plan "hopital 2007" . Pour que ce qui ne passe pas chez le généraliste, ou par le généraliste, soit receptionné dans un immense souk, une cour des miracles esperés.
Du premier recours "un peu court" au deuxième avis "un peu long".
Pour avoir quitté le "bas de gamme café", Xavier n'est pas pour autant sorti de "l'auberge de santé".
Dr Bruno Lopez - Fonsorbes
