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"à propos des flous tendus"

"Le Monde" du samedi 23 août a rapporté les propos avisés de Jacques Chirac, prononcés en conseil des ministres du vendredi.
Celui-ci aurait, de façon certaine, déclaré que la santé ne saurait fonctionner à "flux tendu"
comme le reste de l'industrie* ( voulait-il, par hasard, parler du LEEM ? ).

Aucun des pays riches qui nous entourent n'a su mieux que nous maîtriser les dépenses de santé. L'angoisse de vivre, la peur de vieillir, et la phobie de mourir, après avoir nécessairement succombé, individuellement, et ces jours-ci collectivement, aux deux affres précédentes, ne sont pas seulement les effets secondaires d'une société dont la thérapie ne tourne plus rond, ce sont avant tout un formidable enjeu économique qui connaît, tant ses maîtres, que ses serviteurs. Le tout est de savoir qu'à mal servir ses assurés et à trop flatter ses rassureurs on arrive à des débacles sanitaires dont découlent beaucoup de délires idéologiques.

"La société médicale ne saurait connaître de flux tendus". Certes. Mais est-ce seulement le propos de l' indignation présidentielle d'une trop chaude nuit d'été ?
La santé qui répare, la santé qui prévient, et la santé qui a tant besoin de boucs- émissaires, dès qu'un de ses compartiments de léthalité atteint un coefficient trop appuyé, saurait-elle connaître un jour une maîtrise ? Pas dans l'état d'angoisse actuelle de notre civilisation "HLM", d' humanitaires à limites médiatiques.

Des "fous tendus", des médecins sous pression, qui ont en marre de faire soixante- dix heures de sacerdoce "sur écoute" ou plutôt sur audit permanent, il y en a de moins en moins. Monsieur Chérèque rève de les remettre au " garde- à- nous" ( et nous seulement...). De quoi dégoûter les dernières vocations. Le numerus interruptus pour renforcer le numerus clausus.

Des "flous tendus", des porte- paroles urgentistes qui rèveraient d'avoir un perfuseur par perfusé , des hospitaliers qui méprisent tout ce qui est extra -muros, tout en réclamant que nous leur assainissions le marché d'amont, il n'en manque point.

Des "flux tendus" il n'en faut point , dit le président. Tout le monde a raison.

Ces morts déshydratés, ces morts décortiqués, ces morts surexploités auront donc peut -être servi à quelque chose. Quand on aime, dit-on, "on ne compte point". Peut-être ces morts de soif que l'on compte ( et qui, par dizaines, semble-t'il, ne retrouvent pas de propriétaires...) serviront-ils à ce que , quitte à devoir compter, on puisse se remettre à aimer davantage qu'à calculer, et à réflechir davantage qu'à encore ( et toujours) spéculer, pour mieux candidement s'indigner des morts inouïs d'une nuit d'été et mieux se pourlécher, des mots inouïs d'un président d'ingénuité.



* aux Etats Unis, la non- maîtrise de la santé représente 14.5% du PNB, les progrès thérapeutiques comme les tragédies inégalitaires s'y taillent, "à flux tendu", une part équivalente du "marché"...


Dr Bruno Lopez - Fonsorbes


Derniére mise à jour : 24/08/03

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