Notre société européenne parle de la santé de ses concitoyens comme d'un droit fondamental mais ne semble pas la traiter comme tel..
En France, le service hospitalier public est considéré par l?État comme la pierre achoppement du système de soin, le système libéral étant considéré comme moins fiable ou plus intéressé. Paradoxalement la mise au point des outils et particulièrement les médicaments est du ressort d' entreprises privées. L'objectif de ces entreprises n'est pas d'être philanthrope, mais bien de faire des profits. Ces profits sont-ils discutables ? Qu'en font-ils : recherche, financement de colloque, publicité, rétribution de leurs employés et de leurs actionnaires. Quoiqu'il en soit, à partir du moment où la communauté a accepté le principe du recours au secteur privé, elle n'a pas à le juger sur ces profits. Mais aujourd'hui, du fait du déficit croissant du système de santé, ces entreprises sont montrées du doigt par cette communauté et particulièrement les services publics pourtant à l'origine du système,
En effet un des problèmes actuels est le coût des traitements médicaux. Certains médicaments reviennent très chers car s'adressant à peu de patients. ils imposent donc une facturation élevée, on voit cela en cancérologie. Pour d'autres médicaments, le prix est plus discutable, il est fixé en fonction de l'économie de dépense engendrée. Par exemple, une nouvelle molécule va permettre de réduire de 6 mois la durée d'un traitement antérieur déjà onéreux. Le prix de vente proposé par le laboratoire tiendra compte du nombre de mois de traitement et d ' arrêt de travail (IJ) économisés par rapport au traitement concurrent. Le coût réel de la genèse de la molécule n'entrera pas compte. L'exemple phare, c'est le traitement de l'hépatite C. Parallèlement les maladies orphelines sont victimes de leur rareté, peu ou pas de recherche, peu ou pas de traitements.
La société européenne doit donc être plus claire dans son attitude face aux problèmes de santé. Elle doit répondre à la question « la santé est-elle un droit fondamental de l'individu ». Si « oui » elle doit s'en donner les moyens. Si « non » elle doit affirmer que la santé est un bien de consommation banal.
Dans le premier cas, elle ne doit être autant dépendante de sociétés privées. Le droit fondamental à la santé doit bénéficier des mêmes précautions vis à vis de ses acteurs que la défense nationale ou européenne et que l'éducation. Ce droit sous tend également le libre arbitre des individus à se soigner ou à refuser certains soins dans la mesure où ce refus ne met pas en péril la santé des autres. Cela signifie revoir la place des sociétés privés dans notre système de soin et créer un espace public européen de recherche, de mise au point, d'industrialisation et de commercialisation.
Dans le second cas, elle dit imposer l'abandon des systèmes type sécurité sociale et tout céder à des sociétés privés.
C'est une affaire de choix populaire éclairé.
Si la société européenne choisit la première option, se posera le problème du financement. Elle a créer l'agence spatiale européenne, ça a été un succès rentable . Un espace européen de recherche médical et d'application doit prendre la même dimension. Il sera à mon avis aussi rentable et se paiera sur le dos des États qui auront choisi de mettre la santé dans les biens de consommation.
Le libre arbitre du citoyen devrait aider à son financement. En oncologie, certaines chimiothérapies très onéreuses n'apportent qu'une survie de quelques semaines. Elles laissent au patient le temps de « tout ranger dans leur fin de vie » au prix parfois d'une tolérance très médiocre au traitement. D'autres n'ont pas besoin de ce délai. Les patients qui le souhaiteraient devraient pouvoir renoncer à ces thérapies et faire don de l'économie engendrée à l'espace public de recherche évoqué. Pour le patient en fin de vie, ce serait participer quels que soient ses moyens et son milieu social à l'avenir des siens et de ses compatriotes. Ce serait éclairer la fin de vie, donner un objectif et ouvrir une alternative constructive à l'acharnement thérapeutique pour le couple patient/soignant. En effet aujourd'hui le médecin qui ne prescrit pas n'a que le vide à proposer au patient et à son équipe. L'acharnement est la principale façon de meubler ce vide.
En outre l'homme a toujours eu besoin d'anticiper sur son avenir, même post mortem. Avant en France, la majorité des gens se voyait au paradis ou en enfer. Maintenant la logique humaine veut qu'il n' ait rien après la mort .Les hommes cherchent à prolonger leur vie en laissant des traces, photos, vidéos, écrits, héritages divers. Ce projet s'inscrit donc dans la psychologie humaine.
Dr Jean-Paul Gervaisot