La campagne de vaccination a commencé. Tout a été mis en place pour que ce soit long. Délai de consentement pour réflexion, consultation de pré-vaccination, acceptation de la famille pour les patients ayant des déficits cognitifs. Il est surprenant que le personnel potentiellement vaccinateur n'est pas eu au préalable une formation de quelques mois ainsi qu'une clause de conscience derrière laquelle il pourrait se réfugier mais on ne va pas s'en plaindre.
Sérieusement, dans ce contexte, est-il vraiment éthique de faire attendre les volontaires?
Une logique commerciale aurait prévalu: Premiers demandeurs, premiers servis. Il y aurait beaucoup d'intérêt à faire ainsi car il y a moins de risque de générer des malaises vagaux chez des volontaires que chez des personnes partiellement contraintes par la pression de l'entourage. Ce genre d'incident donne du grain à moudre aux « anti-vaccins » et entretient l'angoisse populaire. L?innocuité des vaccins constatées chez ces personnes primo-vaccinées, voisin, ami, famille, pourraient rassurer les sceptiques. Actuellement beaucoup de mes patients ne souhaitent pas se faire vacciner dans les mois à venir, ils attendent de voir ce que cela fera chez les autres !
Gratifier cette vaccination « primeure » de quelques droits comme l'accès aux EHPAD, aux restaurants, aux salles de spectacles et aux stades de sport ferait plaisir à tout le monde. Certes il faudrait alors ouvrir des permanences de vaccination la nuit pour répondre à la demande mais l'enjeu en vaut la chandelle.
Notons au passage que vacciner ces groupes de personnes revient à vacciner des groupes à fort potentiel de contamination, c'est donc une façon indirecte et probablement très efficiente de protéger indirectement les personnes à fort risque de formes graves.
Le principal problème avec ce type de stratégie serait d'éviter les trafics de fausses cartes de vaccinations, bref de savoir qui est vacciné et qui ne l'est pas. Le risque épidémique et la mise en danger de la vie d'autrui ne laisse pas place à un certificat sur l'honneur.
Une cotation spécifique du vaccin permettra à la sécu de recenser les personnes vaccinées, de « rappeler » les rappels de vaccins et d'inciter les non vaccinés, en particulier les personnes à risque à le faire au prorata du stock de vaccins.
Le problème des doses entamées et gâchées sera anecdotique si la vaccination devient possible 24/24.
Nous, médecins de ville allons nous heurter au problème de la livraison des vaccins : où devrons nous les récupérer, dans les centres, dans les pharmacies, et à quel rythme pour ne pas gaspiller. Nous avons, je l'espère, à peu prés tous des réfrigérateurs, ce qui laisse 3 à 4 jours pour écouler le « stock » et donc peu de risque de perte dans les premiers mois.
C'est très important d'aller vite, n'oublions pas que si l'on vaccine 68 millions d'habitants au rythme d'un million par mois, il faut plus de 5 ans pour vacciner tous les français. Plus le virus va traîner, plus il y aura de mutations et il en suffit d'une un peu plus toxique que les autres pour nous retrouver en face d'un nouveau mur. Bref 6 mois pour atteindre le seuil d'immunité de groupe et un an pour vacciner tout le monde semble logique.
Après, reste à savoir si l'on veut faut faire disparaître le virus de la planète à l'image de la variole, ou si l'on va tolérer un fond de persistance épidémique.
Au risque de paraître borné, je reste persuadé qu'il est dommage en plus de l'intérêt scientifique et de ses conséquences, de ne pas faire de recherche d'anticorps anti covid19 avant toute vaccination surtout si l'on risque d'être « un peu juste » les premiers mois.
Dr Jean-Paul Gervaisot