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Docteur, pour le lévothyrox, surtout n'oubliez pas de marquer « non substituable ».

On peut au bénéfice de ce qui se passe pour le lévothyrox , et rien que pour le plaisir, paraphraser la tirade de Beaumarchais, extraite du « barbier de Séville »
"Le doute ! Monsieur, vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés ; croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville, en s'y prenant bien.... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme une hirondelle avant l'orage.... telle bouche le recueille, et, piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement ; le mal est fait : il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando, de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez le doute se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d??il ; il s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient certitude, cri général, crescendo public, chorus universel de haine et de proscription"

Cette dynamique de tornade insidieuse convient parfaitement à la mésaventure du lévothyrox "nouveau". Ce produit a progressivement focalisé toute l'attention médiatique à cause d'un simple et banal changement d?excipient.
Je ne suis pas là donner mon avis et mon sentiment, laissons les experts et la justice faire leur travail. Mais quelques soient les résultats au terme de ces procédures, on peut déjà faire un inventaire de tous les dysfonctionnements gravitant autour de la prescription du lévothyrox.

- Il y a d'abord à l'évidence une insuffisance d'études autour de sa commercialisation : les essais de pré-lancement n'auraient concerné qu'environ 200 personnes. Si cela est vrai, c'est très insuffisant même si la modification concerne un modeste excipent. Et on en vient fort logiquement aux produits génériques : Depuis leur mise en place, beaucoup de patients se plaignent des différences d'effets entre médicaments génériques et spécialités. L'affaire « lévothyrox » n'est-elle finalement pas un bien. Si la justice reconnaît les faits comme préjudiciables, et donc la possibilité qu'un excipient puisse engendrer les troubles somatiques sérieux. Cela veut dire que tous les génériques sont susceptibles d'être dangereux du fait qu'ils ne sont pas exactement à l'identique de la spécialité. Ce serait une bonne chose car on ne peut pas commercialiser des comprimés verts et et ronds et affirmer que c'est la même chose que les comprimés carrés et blancs. De la part de l'industriel qui fabrique le générique, c'est une grossière erreur engendrée par le besoin d'économiser 4 francs 6 sous. Pour les gens qui valident ce générique, c'est aussi une erreur pour ne pas dire une faute professionnelle. Le psychologique et le psychosomatique occupent une place très importante dans le soin, ce genre de différence est la porte ouverte au doute et à toutes les craintes.
Première leçon à en tirer: Il est urgent de fabriquer des génériques à l'identique du produit princeps et de faire disparaître tous les succédanés approximatifs. Le « non substituable » devrait disparaître tout seul avec ce type de mesure simple.

Autre dysfonctionnement touchant indirectement le lévothyrox. La tradition médicale veut qu'en cas d'hypertrophie de la glande thyroïde, on prescrive un traitement par lévothyrox pour mettre cette glande au repos. Le but est qu'elle ne grossisse pas et/ou qu'elle ne développe pas de kystes supplémentaires. A ma connaissance aucune étude sérieuse n'a jamais démontré que cette stratégie modifiait l'évolution de la thyroïde. Rappelons au passage que les 2/3 des patients, passé 40 ans, ont des kystes thyroïdiens. La norme est donc d'avoir des kystes.
Question : est-il vraiment utile de continuer à mettre ces patients sous extraits thyroïdiens ou équivalents ? L'hôpital publique nous fera-il l'honneur un jour ou l'autre de nous sortir une étude solide sur le sujet

Autre procédure discutable: Lorsque trop de kystes sont présents dans une thyroïde, à défaut de pouvoir faire à chacun d'eux une cytoponction, on retire la thyroïde. Il n'y pas d'autre stratégie. Le patient termine ses jours sous traitement de substitution thyroïdienne. Il n'a plus qu'à prier pour que ces produits soient toujours accessibles en pharmacie, sinon son espérance de vie va se réduire très sérieusement.
Les cancers de la thyroïde ne sont pas extrêmement fréquents. Sauf quelques rares formes, ils se soignent très bien.
Ne serait-il pas nécessaire de remettre en cause cette stratégie, de trouver d'autres moyens de surveillance que la cytoponction pour ces goitres multinodulaires, de réduire la thyroïdectomie totale aux cancers thyroïdiens avérés, et donc de réduire la prescription de lévothyrox, euthyrox ou autres au minimum indispensable

Rappelons que 3 millions de personnes en France prennent du lévothyrox ou apparentés.

Voyez, un malheureux excipient peut nous interpeller utilement sur notre routine. Espérons que son appel soit entendu par les médecins eux mêmes et seulement par les médecins avant qu'il ne soit entendu par des semeurs de doute

Dr Jean-Paul Gervaisot

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Derniére mise à jour : 30/09/17

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