Lors de la guerre de cent ans, l'armée royale conduite par Jeanne d'Arc se présenta devant les murailles de la ville de Troyes. La cité était imprenable. Elle était défendue ou plutôt occupée par environ 400 bourguignons qui tenaient les responsables de la ville sous la menace de leurs armes.
Des bourguignons faisaient courir le bruit que Jeanne d'Arc était une sorcière.
Les troupes royales n'avaient aucune chance de faire tomber la ville. Les habitants n'avaient aucune envie de subir un siège en bonne et due forme : Famine, maladies, tentatives d'assauts avortées : sans façon si on peut faire autrement.
Il fut décidé d'aller rencontrer la pucelle ou plus exactement la possible sorcière et d'en vérifier la nature. Un prêtre put sortir et alla à sa rencontre. Il l'aspergea d'eau bénite. Cette douche n'entama la future sainte patronne de la France.
Pour tous les témoins, la preuve était faite, Jeanne n'avait pas brûlé sous l'effet de l'eau bénite, elle n'était pas une sorcière.
La preuve est quelque chose d'important pour tout le monde, quel que soit le niveau du jugement. Mentir, raconter des bobards, c'est se discréditer pour longtemps.
Le petit peuple troyen avait sa preuve : Non la pucelle n'était pas une sorcière ; Le siège ne se justifiait pas. Mais les représentants de la ville avaient peur de la garnison bourguignonne, ils ne bougeaient pas en dépit du mensonge. Alors, du petit monde, chacun sortit son marteau, sa hache, sa faux, sa pique, sa fourche, son couteau et en fit miroiter la couleur aux occupants ; Et tout se termina sans effusion de sang. Les bourguignons négocièrent leur sortie de la ville avec les honneurs de l'armée royale. Les Troyes offrirent les clefs des portes des murailles au roi de France (moyennant quelques privilèges qui ne survécurent à Louis XI).
Des messagers avertirent les villes comme Reims ou Meaux du caractère mensonger de la rumeur de sorcellerie, ces dernières se rangèrent aux côtés du roi.
Il ne faut jamais raconter des sornettes aux gens. Nous le savons bien en médecine. A l'heure d'internet, notre travail est aussi d'expliquer ce qu'ils ont pu lire et mal comprendre. Raconter n'importe quoi sur une pathologie mal définie peut nous mettre dans des situations ingérables et impardonnables.
En politique, cette notion n'est pas encore acquise pour tout le monde. Les présidentielles ont battu tous les records de fausses nouvelles et désinformation. Mais le peuple reste le peuple, heureusement.
Pour ce premier tour des législatives, l?abstention se dresse à plus de 51%. Les gens ne savent pas trop. Un argument électoral court comme quoi « il ne faut pas une trop grande majorité au parlement, c'est nuisible pour la démocratie ». Les militants y croient peut être, mais cette menace ne résiste pas au bon sens populaire, elle prend valeur d'incertitude, et pire pour ceux qui jettent un coup d??il dans le passé récent, l'argument prend valeur de mensonge : Autant de voix en moins ou de personnes qui ne se déplaceront pas pour le 2ème tour. Pourtant voter c'est important.
Si les candidats ont un travail à faire cette dernière semaine, ça n'est certainement pas la promotion de leur programme ou de leurs actifs, les citoyens qui le veulent bien ont eu l'occasion de les lire depuis longtemps, les autres ne les liront pas plus maintenant qu'hier. Le seul travail intelligent utile et constructif à entreprendre maintenant est la promotion du suffrage universel. Pour ce faire, il faut que les vecteurs de cette action soient des personnages politiques connus, sans « casserole », souriants, posés et polis, pas agressifs.
Il faut aussi des témoignages de gens qui, ailleurs, rêvent du suffrage universel, histoire de nous faire un peu culpabiliser. Il faut utiliser les moyens d'information rapide, « virulents » comme internet et les réseaux sociaux. Enfin il faut cesser de remplir les colonnes des journaux et les écrans d'interprétations arrangeantes, inutiles et creuses du verdict des urnes de dimanche dernier.
Le message passera.. peut-être
C'est pas sorcier.
Dr Jean-Paul Gervaisot