Un patient vient vous consulter parce qu'en toussant, il a craché un peu de sang, Il a un métier « à risque ».
Vous l'interrogez, vous l'examinez, l'examen donne rien qui autorise à donner un diagnostic, tout au plus des soupçons.
Il demande des explications, vous lui expliquez que ça peut être beaucoup de choses : peut-être rien de grave mais peut-être aussi une infection comme une tuberculose, une embolie pulmonaire « peu probable », et un cancer bien sûr : qu'il faut faire des examens complémentaires. Et vous lui donnez le détail: une intradermo-réaction, un bilan sanguin, un scanner. Vous lui expliquez qu'on envisagera la suite selon les résultats. Vous pouvez même détailler la suite au patient s'il le demande.
Le patient revient avec un bilan biologique et un scanner plutôt alarmant. L'IDR est positive sans plus.
Vous lui expliquez que ça pourrait être cancéreux, mais que des maladies infectieuses peuvent donner une image de condensation pulmonaire et un ganglion médiastinal.
Vous lui dites qu'il doit voir un pneumologue et que celui ci lui fera certainement une fibroscopie, la fibroscopie donnant peut être le diagnostic.
Cette démarche me semble partagée par la plupart d'entre nous: pas de diagnostic par anticipation, on prévient et on explique ce que va être la suite des événements. Nous avons tous eu des bonnes surprises dans des histoires pourtant a priori mal parties.
Si l'on donnait à la prise en charge médiatique des affaires Fillion et Le Pen» une forme médicale, cela donnerai à peu prés cela :
Vous êtes journaliste. Une personne vient vous voir et vous donne des éléments pouvant laisser supposer que deux candidats à la présidentielle auraient un cancer.
Vous écrivez : tout laisse à penser qu'ils ont un cancer du poumon, ils crachent du sang. Vos collègues vous lisent et font diffuser la nouvelle : « tout laisse penser que deux candidats à la présidentielle ont le cancer ».
Un début de bilan médical démarre pour les deux candidats.
La personne revient pour vous informer qu'ils ont vu un spécialiste sans plus de détails médicaux mais vous avez le témoignage de voisins qui les ont vu entrer chez le médecin.
Vous publiez : « Ça devient chaud, ils sont certainement très atteints ».
Parallèlement on entend un des deux candidat se défendre en disant que ce qu'il a ressemble à un cancer mais qu'il est parfaitement sain. Il accepte de se faire bilanter tout en affirmant que les médecins sont partiaux. L'autre dit la même chose et refuse tout bilan avant les élections.
Bref, il n'y pas de diagnostic et tout le monde fait le diagnostic qui l'arrange.
Dans les faits, les français sont dans la fiente, un corbeau qui alimente un canard, c'est jamais de bon augure. Le comportement des médias est affligeant, mais elles font leur boulot : Du sensationnel et du chiffre sous couvert de sauver la république. Le comportement des candidats ne remonte pas le niveau, voyez vous même :
Transposé à notre patient, le comportement des uns et des autres donnerait à peu prés cela :
« Docteur je tousse du sang »
« A ben, vous avez le cancer, c'est presque sûr »
« non docteur j'ai pas le cancer, mais j'accepte de faire le bilan »
« Bon vous irez voir ce spécialiste qui fera des biopsies de votre très probable cancer »
« D'accord docteur, je ferai le bilan quand j'aurai le temps, mais de toute façon j'ai pas le cancer et si votre spécialiste me trouve aux biopsies un cancer, je connais un autre spécialiste qui dira le contraire »
Le patient sort.
Le médecin prend son téléphone : « hé les confrères, vous devinerez jamais, Dupont, il a un cancer ».
Avec une telle stratégie de communication, on va se retrouver avec dès le premier tour madame Marine Le Pen comme présidente de la république, puis avec un peu de chance, après les élections législatives le FN avec quinze députés à l'assemblée nationale, et monsieur Valls ou monsieur Baroin comme premier ministre.
Dr Jean-Paul Gervaisot