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Lombalgies nouvelle campagne sécurité sociale.

La lombalgie représente en médecine générale un nombre important de consultations quotidiennes associé à une pénibilité certaine pour le soignant comme pour le soigné.
Les 2/3 de ces lombalgies s'installent dans un contexte fonctionnel, à examen clinique et bilan radiologique identique, d'un patient à l'autre l'intensité de la douleur exprimée sera très différente. Problèmes familiaux  ou personnels, problèmes avec la hiérarchie, problèmes avec les employés, problèmes de transport constituent l?aréopage qui va faire cristalliser ensemble les douleurs morales et physiques autour du rachis.
«J'en ai plein le dos » résume bien le dossier.

A partir d'une étude anglaise, la sécurité sociale a décidé de lancer une campagne de sensibilisation auprès des médecins. L'objectif est de réduire les coûts : médicaments, kinésithérapie, examens radiologiques et arrêts de travail.

Pour ce qu'on peut actuellement en lire dans la presse, la campagne va cibler les traitements n'ayant pas prouvé leur efficacité, paracétamol par exemple, la kinésithérapie précoce, les radiographies du rachis lombaire et bien sûr les arrêts de travail. Elle souhaite aussi une orientation précoce vers les rhumatologues.

Oui:
L'effet paracétamol est individu dépendant avec certainement un facteur placebo. Certaines études remettent aussi en cause l'utilité des AINS.
La « kinésithérapie en urgence » se résume souvent à des massages et de la physiothérapie. Dans mon secteur elle n'existe pas, tout simplement, parce que obtenir un rendez vous chez le kinésithérapeute à moins de 15 jours, si on n'est pas président de la république ou ministre de santé, c'est impossible.
Les radiographies lombaires sont de mon expérience bien inutiles, voire dangereuses quand on doit monter sur la table du radiologue.
L'orientation précoce vers le rhumatologue, dans le département, demande un délai de plusieurs mois et faire passer une lombalgie pour une urgence chez un confrère c'est prendre le risque de perdre sa confiance ou de passer pour un imbécile. En outre pour citer un collègue rhumatologue : « quand vous nous envoyez un patient lombalgique, tout ce qui devait être fait a déjà été fait, il ne nous reste plus que les infiltrations ».
La pression concernant la durée des arrêts de travail est légitime mais ne peut pas passer par la simple lutte contre leurs prescriptions.


Mais !  quelques commentaires du front en la personne des généralistes sont indispensables.

Les études montrent que l'inactivité et le repos sont contre productifs dans la prise en charge des lombalgies. On le constate en ville et beaucoup de patients ne se bougent pas malgré nos conseils. La kinésithérapie précoce est inutile parce que la forme qu'elle prend est inadaptée. Mes quelques patients qui veulent bien faire de la piscine s'améliorent plus vite que les autres.

Lorsqu'un patient, lombalgique sévère chronique, bénéficie d'une prise en charge spécialisée dans un centre de rééducation, que constate-t-on en qualité de généraliste :
Des comptes rendus qui mettent en évidence une amélioration fonctionnelle objectivée. Ces mêmes comptes rendus notent quasiment toujours une franche amélioration de la douleur au cours de l'hospitalisation.
Ça n'est pas tout à fait le retour que l'on a des patients. L'amélioration fonctionnelle à la sortie est indiscutable, mais :
Moins d'un tiers des patients sont très satisfaits et même guéris moyennant de bonnes habitudes pérennes.
La majorité des patients voient toutes leurs douleurs revenir soit 15 jours à un mois après la sortie de la rééducation, soit peu de temps avant la reprise du travail. Ce sont en général des personnes ayant des problématiques familiales pour les premiers, des problématiques professionnelles pour les seconds.
Une minorité déclare ne jamais avoir eu le moindre soulagement, certains ont même quitté le centre en cours d'hospitalisation. Ces patients souffrent souvent de troubles névrotiques ou post traumatiques sévères. Leurs déclarations sont en discordance totale avec le compte rendu d'hospitalisation.

Les rachialgies cervicales, bien imagées par le syndrome d'Atlas, auraient parfaitement pu être intégrées à cette campagne car elles touchent la même catégorie de patients. C'est regrettable. Cette campagne donne une image en canon de fusil de la réalité.


Donc quelques remarques avant la lecture grand public des procédures conseillées par les experts de la sécurité sociale :
Les retours de la presse font état de conseils qui ne seront pas toujours applicables, en particulier l'orientation vers le rhumatologue.
Les prises en charge spécialisées traitent l'organique mais les experts sont encore plus démunis que nous sur le fonctionnel. Cette part de la pathologie est le plus souvent éludée dans les comptes rendus alors qu'elle représente 75% du problème.
La douleur physique chez beaucoup de patients s'amalgame avec leurs douleurs morales. Quid du psychiatre ? Il est vrai qu'il est encore moins disponible que le rhumatologue et ça ne va pas le passionner.
Une véritable évaluation de l'efficacité d'une thérapie ne peut se faire qu'un an après la fin de cette thérapie, et par des experts indépendants prenant en compte autant l'organique que le fonctionnel. C'est à vérifier dans l'étude.


Enfin et surtout les décideurs ne peuvent pas limiter leurs actions à ce qui vient d'être évoquer. Elles ne peuvent se réduire à une simple lutte contre les prescriptions. Elles doivent cibler les causes du fonctionnel.
Ces causes ont déjà été évoquées : problèmes familiaux ou personnels, problèmes avec la hiérarchie, problèmes avec les employés, problèmes de transport. Elles demandent une refonte de nos mentalités, une éducation à tous les niveaux. Elle ne va pas se résoudre par des taxations supplémentaires ; Au contraire, la pression sur les entreprises engendre la pression sur les hommes.
Je crains qu'il n'y ait pas la moindre résolution sur ces sujets dans cette campagne de sensibilisation, pas plus qu'il y en a sur les suicides au travail, autre alternative au mal de dos fonctionnel.

Dr Jean-Paul Gervaisot

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Derniére mise à jour : 03/09/16

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