Ce dérivé de la pyrithioxine, utilisé dans plus de 50 pays, est indiqué dans les démences et les séquelles des traumas crâniens. D'autre part, sur la base d'essais thérapeutiques, on l'emploie en France contre la polyarthrite rhumatoide. La dose journalière est de 600 mg/j, la durée moyenne d'un traitement étant de 120 jours. On fait d'autre part de la publicité ( internet ! ) sur sa capacité d'améliorer la mémoire et l'attention. Il est donc en vente libre. Mais il a des effets adverses sur le foie: hépatites cholestatiques prolongées et sévères dues à une réponse immunitaire impliquant notamment les lymphocytes T CD4+.
* femme de 23 ans, étudiante: nausées, état de malaise, ictère un mois après le début du traitement ( veut améliorer sa mémoire ). Arrêt du médicament: rapide amélioration clinique, normalisation des fonctions hépatiques au bout de 5 mois.
* étudiante de 18 ans. Prend 600 mg/j de pyritinol pour sa mémoire. Cinq jours après, est hospitalisée pour prurit et ictère. Avait pris du pyritinol 1 an auparavant sans effets adverses. Arrêt du médicament: amélioration clinique, normalisation des fonctions hépatiques au bout de 5 mois.
* femme de 27 ans, ictère avec anomalies des tests hépatiques. Est sous contraceptif depuis 3 ans, prend du pyritinol depuis 25 jours ( 400 mg/j ). Retour à la normalité des tests hépatiques plus de 6 mois après arrêt du pyritinol.
* femme de 21 ans, hospitalisée pour état de malaise, vomissements, fièvre depuis 3 jours avec des tests hépatiques perturbés. Prend du pyritinol depuis 1 mois ( 600 mg/j ). Après arrêt, retour à la normale des tests hépatiques au bout de 9 mois.
* homme de 41 ans, hospitalisé 10 jours après avoir pris du pyritinol ( 600 mg/j ): nausées, vomissements, ictère, tests hépatiques anormaux. Normalisation clinique et biologique 2 mois après arrêt du médicament.
* femme de 24 ans: nausées, vomissements, douleurs abdominales, fièvre et ictère 14 jours après début d'un traitement au pyritinol ( 400 mg/j ) afin d'améliorer sa mémoire. Les fonctions hépatiques redeviennent normales 6 mois après arrêt du traitement. En reprend par mégarde 6 mois après: rechute.
Dans tous ces cas, il s'agit d'une cholestase, avec concentration de bilirubine > 342 µmol/L chez 4 patients sur 6. Des taux élevés de transaminases ont été notés les 2 premières semaines tandis que les phosphatases alcalines et la gamma-GT étaient augmentées 2-3 mois plus tard. L'hospitalisation a été nécessaire dans 4 cas, la normalisation de la biologie a été longue.
Une obstruction extra-hépatique et une hépatite virale ont été exclues.
Dans 4 cas, une biopsie hépatique a été faite: léger infiltrat inflammatoire de polynucléaires, lymphocytes et parfois éosinophiles, importante cholestase canaliculaire et parenchymateuse, nécrose focale hépato-cellulaire peu importante.
Les investigations immunologiques ont identifié une réponse proliférative lymphocytaire intense et spécifique au médicament, à prédominance de lymphocytes T CD4+, plus forte que celle habituellement observée dans les hépatites d'hypersensibilité aux médicaments.
L'action du pyritinol dans la polyarthrite rhumatoide est analogue à celle de la pénicillamine qui contient aussi un groupe sulfhyfryl. Or la pénicillamine est responsable de réactions adverses immunes: néphropathies à immun-complexes, dermatoses auto-immunes, leuco et thrombocytopénies!
En conclusion, ces patients, jeunes, ont eu une cholestase grave et durable à cause d'un médicament qui ne leur était pas nécessaire. Il importe de réévaluer son rapport risque/bénéfice.
Traduit de l'anglais par le Dr André Figueredo - Source: the British Medical Journal du 06/03/2004